Avortement programmé du principe de réparation et financiarisation des forces de destruction par les intérêts des entreprises de construction :
Le bannissement de la culture du sang (banalisation et organisation de la guerre) par la loi (tu ne tueras point), tout comme la vision d'une arche d'alliance et d'un monde où la paix pourrait régner entre les nations, sont des concepts apportés par le peuple juif aux empires occidentaux et moyen orientaux : un héritage hermétique datant de l'Antiquité, indissociable de la maîtrise des arts du langage et des échanges par les peuples tentant de se faire une place dans la région cananéenne, entre les grandes puissances. Des peuples témoins et acteurs des échanges, des rapports de force et des affaires de nombre entre la civilisation égyptienne, l'entité hittite (portant l'héritage de la culture sumérienne) et la puissance assyrienne.
Il convient ici de distinguer ce qui relève du pouvoir des royaumes et des empires :
Les empires contrôlant la carte et le territoire antiques, spectres de croissance aveugles, mus par une main invisible qui n'est autre que l'entropie des systèmes de culture intensive et militaro-industrielle, disons invasive, consumériste et globalisante : une forme de pouvoir qui exige que l'on relègue les questions sentimentales, existentielles et religieuses au plan des affaires stratégiques, afin de tirer parti des intérêts, des croyances et des conflits stimulant les masses gouvernables.
Et de petits royaumes dans l'ombre des grands, témoins de l'économie et de la violence des échanges entre les puissances garantissant chacune leur conception de la paix et de la croissance. Marquées par l'alternance de la prospérité et des affres de la guerre, les populations de la région de Canaan connaissaient de fréquentes recompositions et un brassage culturel et identitaire qui n'allait pas sans heurts ni sans la nécessité permanente de compromis. Un contexte plus que favorable à une union autour d'une souffrance commune, d'un espoir de paix et d'une vie meilleure ; favorable à l'émergence d'un domaine commun, sensible et intelligible, partagé par des esprits "libres" s'efforçant à "mettre en solution" l'hystérique puissance du nombre et l'oppression destructrice des empires dont les dieux multiples et respectifs sont autant de prétextes au moteur de la croissance par les armes. C'est dans ce contexte que l'entité judaïque s'est développée, portée par l'espoir d'un Salut la concernant et par la construction d'une unité sous le signe de la quête de vérité : la révélation du langage caché ou parole divine. Un accord plus rationnel qu'on ne l'imagine de nos jours, entre les conflits de nombres et de natures entiers/ères, naturels/les, relatifs/ves, complexes, irrationnels/elles, imaginaires... Un langage commun pour briser le cycle fratricide représenté de nombreuses fois dans les Écritures, notamment par le jeu de dupes caractérisant le funeste destin d'Abel et la marque de Caïn. Autrement dit, une promesse de paix non tacite entre les Hommes (vivant tous sous un même ciel, une même arche) par une compréhension des lois universelles encore impénétrables qui caractérisent la création. Un dieu unique et inatteignable, dont il s'agit néanmoins de décrypter le langage pour redonner sens aux interactions, pour faire jaillir la lumière dans les impasses les plus obscures ou pour établir un ordre cohérent dans le chaos. Un ordre dont ces précurseurs du monothéisme avaient saisi la double nature apocalyptique : révélation par l'accord du cœur, de la foi et de l'intelligence ou par leur force de destruction à l'échelle globale (la fin des temps de l'Homme, chutant de son statut de premier à celui de dernier pour avoir persisté dans la corruption de ses connaissances et de ses pouvoirs).
Une vision donc, celle d'un peuple revendiquant son émancipation de l'autorité égyptienne et ayant côtoyé les cultures éthiopienne, hittite, assyrienne, babylonienne, grecque ou romaine. Vision, métaphysique, analyse, prospective, ensemble de principes et de concepts (...) : un grand ouvrage composé d'inspirations de nature religieuse, rationnelle, politique et artistique, auxquelles s'ajoutent un alphabet, une lexicologie, une numérologie, des systèmes de numération... En d'autres termes, une des principales sources des arts libéraux, la maîtrise de l'écriture et la naissance du 0 sémantique (Dieu unique, inatteignable, impénétrable, infini...). Un héritage qui se divise entre judaïsme, christianisme, judéo-christianisme et islamisme... Un zéro qui au final vaut de l'OR ! Un or que les alchimistes de la Renaissance cherchaient à rendre à l'Homme, disons l'humanité victime de sa grandeur et aveuglée par l'obscur chantier entrepris dans sa propre Caverne. Et un or illusoire, matériel : celui de cet élément chimique désigné comme représentant de l'argent et de la dette qui seront le prix de la mise à profit de la connaissance et du pouvoir d'influencer la matière et les esprits à l'échelle planétaire. La maîtrise de l'écriture, l'art de développer des systèmes d'exploitation. Un zéro autour duquel trois grandes religions se sont entredéchirées jusqu'à nos jours entrainant ironiquement l'avènement d'un système sans Dieu(x), ainsi que la réalisation des premières prophéties eschatologiques et de leurs mises à jour dans les Évangiles et le Coran. La guerre se nourrissant de la paix et pour toute révélation, la destruction. Un paradoxe autant pour la foi que pour la raison, enflé de maux, de complexes identitaires, de meurtrissures et d'une violence, qui seront banalisés de nouveau par le modernisme et les nouvelles règles de compétition entre empires : une méga sphère néolibérale au sein de laquelle la dialectique (art de maîtriser les attractions et les oppositions) perd son sens, la rhétorique sa philosophie et l'Hôpital sa charité, faisant de la guerre un moteur ordinaire du progrès humain et de son eugénisme.
À propos d'ironie, il convient ici de garder en mémoire le nom donné à un avion japonais fabriqué sous la tutelle de l'Occident et de sa science devenue toute puissante : le zéro. Un zéro dont le retour victorieux dans le petit pays du Soleil Levant, précèdera l'expérience de la destruction de masse par le feu nucléaire.
Dans une lettre à Sigmund Freud, Albert Einstein a écrit ceci à propos de la menace de la guerre et de l'ironie de notre progrès :
... " Je crois que, parmi ceux aussi que ce problème occupe pratiquement et professionnellement, le désir se manifeste, issu d'un certain sentiment d'impuissance, de solliciter sur ce point l'avis de personnes que le commerce habituel des sciences a placées à une heureuse distance à l'égard de tous les problèmes de la vie."...
Ce qui se traduit contextuellement ainsi : rien n'a vraiment changé depuis la tacite Pax Romana, nous obtenons des parenthèses de paix de plus en plus propices à l'élevage intensif de la vie en préparant des guerres de plus en plus meurtrières.
La formule reflète le paradoxe soulevé dans mon article. Paradoxe de l'Homme et de sa tour infernale (Babel), paradoxe de Caïn (le sédentaire fratricide), paradoxe d'une prophétie sémantique réalisée sous le règne de la raison et du réductionnisme...
Ce paradoxe qui nous concerne tous, ainsi que le poids de nos hypocrisies respectives à l'échelle de la planète, Jérusalem (ville de la paix) en témoigne depuis l'Antiquité.
On ne peut obtenir qu'une paix infectieuse et dégénérescente, lorsqu'on la garantit hypocritement tout en se préparant à la guerre. La formule pourrait sembler désuète, digne d'un conseil pour une tripotée conflictuelle d'adolescents en crise! Et nombre de bonnes consciences refusent encore d'admettre qu'un tel conseil puisse s'appliquer aux représentants du monde moderne occidental, garant de la maison des sciences, du progrès social, de l'humanisme et de la démocratie...
Que dire alors des décisions des nations occidentales dominantes depuis l'aventure coloniale ? Que dire du découpage du monde entre prédateurs en costumes du dimanche ? Que dire de la tutelle anglaise qui orchestra le fantasme d'une cohabitation entre colons juifs et palestiniens en se permettant d'entrainer dans le même espace et dans le même temps les soldats de ces deux populations soumises au jeu des puissances alliées ? Que dire de l'hypocrisie des entités de culture latines qui ont profité des sentiments exacerbés par l'horreur des guerres mondiales pour s'arroger le droit d'imposer aux palestiniens, la réimplantation sur leur territoire d'un peuple que les romains avaient eux aussi arraché à leur terre depuis deux millénaires ? Romains politiquement convertis à l'aura d'un prophète juif renié par les siens, après l'avoir torturé et exécuté, pour des raisons politiques. Que dire du dépeçage de l'Empire Ottoman à l'issue de la première guerre mondiale ? Que dire des trahisons et des coups bas machiavéliques dont les grandes puissances se sont rendus coupables, promulguant de fausses promesses au monde musulman d'une main, tandis que de l'autre, elles se confectionnaient l'aura internationale de la "bien-pensance politico-biblique" en tant qu'allié repenti du prophétique et torturé peuple juif. Peuple à la fois rapporteur et victime des concepts d'holocauste et de bouc-émissaire, affublé par la réputation de déicide, mais dorénavant réhabilité par les exigences démocratiques. Réhabilité et faut-il le dire, fin gestionnaire de ce que les bourgeoisies puritaines considéraient comme un péché néanmoins synonyme de pouvoir absolu : la culture de l'argent, l'usure et le système spéculatif. Une fonction qu'elles lui ont procuré non sans souffrances entre la renaissance et la grande révolution des lumières, pour s'excuser de leurs propres manquements envers ce "microscopique père spirituel qui refuse de mourir". Que dire de ce honteux prestige du conquérant qui consiste à s'imposer en unificateur et à s'éclipser au nom de la paix et des droits des peuples à disposer d'eux-mêmes, après les avoir divisés et armés ?
...
Que dire de l'Homme moderne qui se préoccupe plus de la grandeur de ses ancêtres et de l'entreprise consumériste reçue en héritage, que de l'avenir de ses enfants ? Que dire de ce sapiens amélioré qui se fascine tant pour la guerre qu'il consent à la contempler sur un écran en oubliant s'il le faut qu'elle est à sa porte ?
Au final pour qu'un appel au cessez- le-feu d'un président comme E. Macron puisse avoir le moindre poids et surtout le moindre sens, encore faudrait-il que toute la supercherie de cet accord tacite deux fois millénaires soit enfin dévoilée sur la place publique, avec le repentir réciproque global que cet aveu mérite. Un effort qui incombe à la plupart de ceux qui se disent adultes, à tous ces porcs en culture que nous sommes devenus. Autrement dit aux influenceurs comme aux influencés, au maître comme à l'esclave. Un moindre effort pour chacun au vu de l'urgence planétaire, mais qui à l'échelle du nombre serait une alternative sans précédent à la lumière artificielle que l'Homme entretient de façon suicidaire dans sa Caverne. Un moindre effort pour que Sapiens bourreau de lui-même puisse redonner son sens aux notions d'échange et de travail ! Un moindre effort qui permettrait à l'école de ne plus servir les intérêts mais la vérité et de ré-enchanter le monde et la science des Hommes au yeux des enfants.
Réparer l'Homme et sa machine infernale, commence par déconstruire nos mythes, nos architectures psychiques et matérielles, ainsi que les langues véhiculaires avec lesquels nous les avons construits. Autant de langages dont nous avons perdu le sens et la magie en les instrumentalisant sur un échiquier maculé de sang dont nous sommes tous les pions.
CAB
La diagonale du fou et le prix des échecs...
Dessin de Stephane Pabst, image prise sur Olybop "Parkinson's drawing"
Lien vers le tuto sur You Tube : https://www.youtube.com/watch?v=-Aghl3fx9E0&t=113s
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