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Le boulet du libre arbitre

  • christophealexisbi
  • 9 mai
  • 6 min de lecture

Dan un paysage de déforestation, un chef indien médite face à un homme civilisé enchaîné au boulet du libre arbitre - Caricature du complexe de Babel
Le complexe de Babel et le boulet du libre arbitre

Dans les articles de « Déconstruire et réparer », j’évoque souvent le libre arbitre. Une notion dont la définition prête encore à confusion – et cela malgré l’importance qu’elle revêt au regard des enjeux mis en œuvre par la masse humaine à travers la globalisation du mode de vie consumériste. Autrement dit : si l’on tient compte de la gestion de l’énergie, de l’équilibre écologique et de la recherche du bonheur au sens utilitariste et déontologique du terme (équité des échanges dans le domaine du vivant).


En outre, la recherche d’une définition commune du libre arbitre pose la question de la légitimité de trois autorités qui se disputent encore la notion de vérité à propos du pouvoir et des lois censées nous gouverner : l’autorité religieuse, l’autorité des sciences et l’autorité politique.


Or depuis l’Antiquité, cette dernière s’est dotée de tous les moyens nécessaires à l’instrumentalisation des deux précédentes afin obtenir le consentement du pouvoir décisionnel humain à l’échelle planétaire. Dans leur ARBITRAGE les pouvoirs politiques ne font pas le CHOIX de l’éthique ou de l’accord dialectique en matière de croissance et de conflit, ni celui de retarder les profits de l’expérience en attendant une quelconque idée commune de la vérité, et encore moins celui d’avouer les failles d’une entreprise empirique plurimillénaire ; bien au contraire, leur influence notoire relève de la rhétorique, de l’illusion de la paix et du profit résultant de l’accord tacite entre compétiteurs, ou encore de l’apparence inéluctable « too big to fail » communément prêtée à une somme d’expériences pourtant arbitraires profitant de l’aura des concepts de grandeur, de progrès et de civilisation (architecture physique et mentale du COMPLEXE de Babel dans le jargon judéo-chrétien). Par conséquent, les partis politiques ne s’encombrent pas des différends sémantiques qui divisent la religion, ni des indications de la science concernant l’influence de la génétique et du contexte historique (transmission de l’expérience par le pouvoir du langage et des architectures physiques, mentales ou sociales qui en découlent) sur notre conditionnement. Bien au contraire, entre influenceurs et influencés chacun en tire son profit.


Bien que l’art et la manière propres au réductionnisme semblent être leur talentueux avocat, les lois de la nature sont les « grandes oubliées » de cette Histoire de pouvoir. Entendons par « lois de la nature », ces lois écosystémiques que nul ne peut plus ignorer mais dont les défenseurs « écolos » peinent encore à obtenir une véritable et sincère reconnaissance par les autorités scientifiques, politiques et religieuses.


En d’autres termes, une définition commune du libre arbitre soulève la question de la légitimité du caractère inéluctable prêté au consentement et à la soumission, à l’échelle de la raison, des sentiments, de la volonté et de la foi, propres à l’être humain.


 

Dessine-moi un libre arbitre s'il te plait ... Non, celui-là ne me plait pas, dessine m'en un autre...


le petit Prince, les trois moutons et la boîte contenant le mouton, le tout déssiné par l'aviateur en détresse. Déssins abstraits du libre arbitre par Saint Exupéry

Malgré les guillemets avec lesquels j’entoure le mot « libre » (pour éviter d’avoir à redéfinir cette notion complexe dans chacun de mes textes), le mot en lui-même provoque un certain scepticisme, notamment parmi les personnes les plus sensibles aux dogmes, en matière de religion ou à l’inverse en matière de matérialisme. Légitimes lorsqu’elles demeurent ouvertes au dialogue, ces réactions sceptiques s’expliquent par l’absence d’une conception commune du terme, comme mentionné précédemment, et par le fait que son caractère flottant engendre encore conflits et confusions dialectiques entre de nombreux courants religieux, spirituels ou philosophiques. La science aurait pu corriger le tir en clarifiant ce que pouvait être une marge de manœuvre décisionnelle dans un univers déterminé à la fois prévisible (au regard de nos connaissances et de notre reconnaissance de la causalité) et imprévisible (au regard de l’inconnu relatif à notre incomplétude et au regard du chaos échappant à nos prévisions au-delà d’une certaine marge de précision) ! Mais pour cela il aurait fallu qu’elle redéfinisse les termes « libre » et « arbitrage », une entreprise qui nécessite une autorité académique sur l’usage du langage, ainsi que des prérogatives philosophiques et purement sémantiques. Ce qui n’est pas le rôle attribué à la science. Il faut ajouter que l’esprit résolument rationnel du réductionnisme moderne s’oppose encore farouchement à la religion « qui lui en a fait baver », bien que cette dernière fût un précurseur en matière de déterminisme (le fameux plan divin). Or le judaïsme et le judéo-christianisme, malgré les paradoxes engendrés par le courant (politique) inquisiteur (et malgré les persécutions subies par les précurseurs de la science moderne), ont manifestement défendu l’idée de libre arbitre. « Dieu laisse à l’Homme le choix de défier les lois, à ce dernier d’en assumer les conséquences. »


De nos jours, dans une grande confusion globale, la vision la plus commune du libre arbitre le définit comme une liberté de choix pouvant se soustraire à toute loi, y compris celle de la causalité. Or cette vision à la fois simplette et radicale est légitimement jugée (par arbitrage donc) comme fausse par la science. Dans cette confusion, nous oublions encore de remettre en question la légitimité du conditionnement imposé par nos expériences technologiques et politiques.


On assiste donc à un procès global de « la libre pensée », procès qui fait naître de nombreux paradoxes ! Pour exemple, l’idée très contemporaine qui affirme que puisque nous n’avons pas le moindre libre arbitre, nous ne sommes pas responsables de nos actes. Cette croyance conférant un pouvoir ABSOLU  - une toute puissance - à une entité donnée pourtant arbitraire nommée « société de droits et de devoirs ». 


Observons un autre exemple (complémentaire au précédent) :

De nombreux peuples natifs pensaient que l’Homme n’étant pas TOTALEMENT libre de ses pensées, de ses volontés et de ses actes, il se devait de conserver un respect pour les lois et les forces (ou esprits) de la terre et du ciel. Ces derniers ont été colonisés, dénaturés et rééduqués par des civilisations empiriques (bien souvent sans la moindre éthique) niant tout autant le libre arbitre, mais qui - au nom de la science et de la détermination du progrès - se sont octroyés le droit de trahir les lois écologiques pourtant manifestes et de repousser les limites du consumérisme. Et faut-il le dire, les limites du seuil de tolérance à la souffrance pourtant observable. N’y a-t-il pas un arbitrage raisonnable entre ces deux déterminismes ? Le premier, résolument attaché aux lois de la nature et le second soumis aux exigences de ses propres expériences matérialistes (la culture des moyens et des intérêts particuliers au détriment des besoins communs). Manifestement, la notion de choix reprend ici tout son sens, ainsi que celle de consentement ou de nature du conditionnement. Un paradoxe que la philosophie des sciences tend à résoudre, au regard du consumérisme engendré par l’instrumentalisation de ces dernières par la politique et les obligations de résultat de l’illusoire contrôle des masses et de la matière. D’où l’importance cruciale des notions d’éthique, d’épistémologie et de déconstruction de nos langages et autres architectures sociales, dans un but de réparation (dans les deux sens du terme).


Le libre arbitre est donc ce "boulet" humain qu'il convient avant tout de redéfinir :


Il n'est qu'une marge de manœuvre décisionnelle propre à la nature humaine. Entendons ici la capacité de connaître et d'apprivoiser les forces, les lois, les principes et la subtilité de la matière, le tout constituant un "uni/vers" et donc les milieux qui nous entourent et nous constituent. Par conséquent, il s'agit aussi de la faculté d'appréhender au mieux le jeu de la causalité malgré les innombrables variables qui rendent impossible une exacte prévision des conséquences des causes, y compris celles concernant nos propres actes. Autrement dit : la possibilité de nous libérer des illusions et des intérêts particuliers qui nous conditionnent et nuisent à notre arbitrage dans le respect des impératifs communs au sens le plus universel du terme. Vu comme cela, le libre arbitre rime avec prudence, responsabilité et émancipation d'une volonté "arbitraire", impropre à la détermination d'un univers sans intention particulière, qui nous fera néanmoins payer le prix de nos manquements envers ses lois. Une vision commune de la liberté donc, une liberté qui ne commence pas là où s'arrête celle des autres.


Le libre arbitre n'est donc pas l'illusion de la liberté et de la volonté propre, que l'Homme a cultivées en s’estimant au centre de l'univers et en imaginant pouvoir dompter la nature ! Mais au contraire la capacité de s'émanciper de cette expérience caractéristique d'une prétentieuse adolescence corrompue par l'exercice de ses propres pouvoirs. Une expérience qui fait de nous de parfaits esclaves mécanisés et récompensés, aliénés par les obligations de résultat des entités sociales que nous imaginions au service des individus particuliers que nous sommes. Une expérience consumériste dont les Hommes dits civilisés sont loin d'être les seuls esclaves et victimes.


Pour présenter les choses autrement, l’idée de libre arbitre rejoint l’idée de libre pensée élevée à l’échelle de l’art. Entendons par là, la réunion des domaines du sensible, du perceptible et de l’intelligible. La nature même des nombres exprime cette idée dans leur valeur naturelle, entière, décimale, relative, rationnelle, irrationnelle, imaginaire…


Déconstruire et réparer

CAB

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