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Le retour du loup

  • christophealexisbi
  • 18 mai
  • 9 min de lecture

Dernière mise à jour : 23 mai


Un loup de face en format portrait - Illustration pour la polémique sur le retour du loup

Dans la bergerie, que l’on soit armé ou pacifiste, moins on parle du prédateur plus il montre sa queue…

Trêve de métaphore, en Nouvelle Aquitaine le retour du loup fait polémique… N’est-ce là qu’une insignifiante épine dans le pied d’une nation en crise, en guerre et en marche sur l’échiquier international ?  Ou le symbole alarmant d’un écosystème planétaire en désolation, sous l’effet d’un conflit entre l’état sauvage et l’état domestiqué qui caractérise l’Homme et sa vision civilisatrice ?


En 2017, le loup montre de nouveau sa queue sur le plateau des Millevaches… Pas de quoi craindre une meute, se rassuraient les autorités locales, néanmoins les cendres de la bataille entre pro-loup et anti-loup se ravivent.

En 2023, la possibilité d’une reproduction et de la constitution d’une meute inquiète, et en juillet 2024 la présence d’un couple devient indéniable. Issus de deux lignées différentes les deux spécimens permettent un croisement favorable à la préservation de l’espèce. D’ascendance italo-alpine, la femelle est trop jeune pour être née ailleurs que sur le plateau, en outre ce dernier constitue un environnement très favorable à la reproduction.  Néanmoins la présence inédite de cette lignée a fait l’objet de quelques doutes : les défenseurs de la biodiversité ont-ils nié la présence de la louve pour faciliter la réimplantation de l’animal ? Bien que cela soit peu probable, la polémique reflète néanmoins un conflit d’autorités et d’opinions à la mesure d’une humanité partagée entre les obligations de résultats d’un mode de vie fondé sur la culture intensive et la préservation d’un écosystème dangereusement dégradé par ce mode de vie et de culture.


D’un côté le loup demeure l’un des symboles de la lutte pour la préservation des espèces en voie d’extinction, il représente aussi un important levier pour la capacité de régénération des écosystèmes. L’animal est notamment un prédateur du sanglier et d’un bon nombre d’omnivores comme le blaireau.

De l’autre, une absence de mesures efficaces relative à la cohabitation du loup et des éleveurs, risque d’engendrer de nombreuses pertes et mutilation au sein des troupeaux les plus exposés. Ce qui soulève la colère des éleveurs essuyant le revers des vaines promesses de la modernité en matière d’exploitation intensive des sols, des ressources et du territoire.

 


Une parenthèse philosophique (et politique) s’impose :


Très ciblée, cette houleuse polémique « du sauvage et du domestiqué » a néanmoins des racines bien plus profondes et complexes. Entre autres, elle indique la nécessité de résoudre le paradoxe d’une société néolibérale affirmant haut et fort sa conception progressiste de l’intérêt commun, bien qu’elle repose sur la marchandisation et la mise en concurrence des talents, des idées, des tâches et des métiers ; autrement dit, bien qu’elle ait fait le choix de mettre à profit le conflit entre les intérêts particuliers. Un « ruissèlement d’argent », une escalade des moyens au détriment des besoins et donc un profit à court et moyen terme, impropre à l’équilibre écosystémique d’un univers régit par la causalité.


A l’échelle globale, le consentement des états et la dérégulation du marché a engendré une économie favorable au conflit d’intérêt entre l’Homme et son environnement et au sein de la société elle-même.


Il s’agit là d’une escalade empirique dont résulte une accélération de l’entropie du système global, au détriment de l’éthique et de la prévention des risques et au détriment d’un équilibre durable - le bilan consumériste constituant le triste état de santé post libéral d’une civilisation ayant dénié trop longtemps les dérives néolibérales de la pensée libérale initiale.  Notons que la compartimentation productiviste des stéréotypes, des attributs et des sensibilités, engendre aussi ce que nombre de philosophes appellent le paradoxe des partis politiques dans l’arène du suffrage universel : des partis-pris dominants se disputant leurs mannes électorales respectives en professant ce qu’elles veulent entendre et en sacrifiant la recherche d’une idée commune de la vérité. Un avertissement philosophique qui a voyagé de Platon jusqu’à Simone Weil, en passant par les pères fondateur du concept monothéiste.


Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois dit-on en référence à Homère… Rien de nouveau sous le soleil, si ce n’est un état de santé global désastreux, le dépassement de nombreux points de non-retour, et un air du temps pour le moins « apocalyptique »… Un état de santé qui indique la nécessité d’interrompre la compétition irrationnelle des médecins autour du malade, de briser l’accord tacite qui entretient leur échec dialectique au nom du pouvoir et de réduire le gap intellectuel entretenu entre les « têtes pensantes » et les « mains bonnes à tout ». Ce bilan philosophique et « médical » nous inspire une autre combinaison d’adage :

Dans un hôpital qui se moque de la charité, guérir rapporte plus que prévenir.

 


Pour en revenir à nos moutons et aux loups :


La servitude réciproque de la force politique (en tant qu’autorité d’une élite de sachants initiés aux arts du langage) et la force ouvrière (en tant qu’autorité du nombre profane, compartimenté et soumis à obligation de résultat) est donc au cœur de notre débat. Domestication intensive, circuit de la récompense, organisation mécanique du travail et des loisirs, progrès technologique...Rien n'y fait, plus on déni l'esprit prédateur plus il prend le contrôle de la bergerie... Plus on chasse le naturel, plus il revient au galop.


Au-delà de la métaphore, le retour du loup reflète le même complexe : comme nombre d'animaux sauvages, ce prédateur sociable a encaissé tout le poids de la société moderne, pourtant il finit toujours par revenir et hanter bergers et moutons.

La puissance mystique de la volonté environnementaliste ? Du terrorisme écologique ? Non, plutôt un phénomène semblable à l’échec des grandes puissances lorsqu’elles espèrent éradiquer les identités endémiques qui résistent encore et toujours à une mondialisation mal  acquise et fondée sur les affres de l’aventure coloniale ! Le complexe de la carte et du territoire donc, ici à l’échelle du vivant. Cartes et territoires que les Hommes s’octroient le droit de dessiner et de redessiner à leur guise en fonctions de leurs intérêts particuliers et en s’estimant au centre de l’univers.

 


La part du loup, la part de l’éleveur, la part de l’opinion :


Les filets de protection et les dispositifs effaroucheurs coûtent chers et sont chronophages pour des exploitants déjà rompus aux obligations de résultats imposées par notre économie dorénavant mondiale, certes !  Mais on en déduit trop rapidement que «  l’élevage éthique en plein air est incompatible avec le loup »… Une phrase de politicien dans l’obligation de calmer la colère d’éleveurs dont l’allégeance électorale et la contribution économique semble plus importante que les avertissements des environnementalistes. Mais qui conserve notre paradoxe : autoriser les tirs de défense engendre des polémiques et n’empêche pas le retour du loup… La voie du fusil ne fonctionnera que si elle est radicale et que la France ne s’encombre plus de scrupules écologiques.

Devant une telle impasse, la langue de bois politique est donc de mise : il n’y a pas de problème avec le loup !


Extrait du discours politique : « Certes, le gouvernement a autorisé certains éleveurs à pratiquer des tirs de défense, mais cela n’autorise en aucun cas la chasse de l’animal et cette mesure s’effectue dans le strict respect du plan national du loup.»


Dans un tel contexte de flou, loin des regards de la « plèbe » citadine et du « petit peuple » urbanisé, nier l’existence d’une éventuelle meute permet de gagner du temps, d’espérer que les tirs de défense puissent régler silencieusement le problème ou,  en dernier recours, de faire endosser la responsabilité de « l’éradication éventuelle » à des éleveurs qui bénéficieront du « facteur accidentel inéluctable » et de la légitime défense.


Le sujet devient un véritable tabou reflétant les conséquences de pouvoirs politiques dont l’hypocrisie consiste à instrumentaliser le conflit entre les intérêts consuméristes et les consciences écologiques ! Un tabou politique si gênant qu’il a motivé la déprogrammation de la projection du film « La part du loup »  de Vincent Primault et Carmen Munoz Pastor, initialement prévue le 26 mars 2025 au lycée forestier de Meymac.

 


A propos des solutions et du sort qu’on leur réserve lorsqu’on profite du déni global des problèmes…


Considérant l’importance des enjeux, ainsi que l’échec du dialogue entre politiciens, éleveurs et défenseurs du loup, des environnementalistes et des acteurs des collectivités locales et des associations d’éleveurs de chiens ont proposé ce qui semble être la meilleure solution à notre problème : les chiens donc, descendants du loup. Après avoir lu quelques vagues articles sur le sujet, d’aucun pourrait dire : « oui, mais non ! Parce que les infos nous ont bien dit que les chiens Patou agressent plus les touristes, les randonneurs et les cyclistes qu’ils ne font leur travail !  Ah, les infos… Des micros news ou des articles écrits en quelques lignes par des médias conscients que la masse aime les choses simples et les articles courts… Conscients que conserver leurs subventions et partenaires lobbyistes consiste à enrober correctement le vide de la langue de bois.


Elle est pourtant très pertinente cette solution du chien qui dissuade son ancêtre le loup ! Et cela tout en nous permettant de préserver cette espèce et de prendre le temps de réconcilier notre propre nature sauvage et sociable à la fois. Pertinente, efficace et complémentaire à d’autres méthodes pratiqués dans les Alpes ou dans d’autres pays, y compris concernant les ours.  Dans les faits, les personnalités morales et physiques qui proposent cette sortie de crise se sont manifestées dès 2023, dès que les environnementalistes avaient attesté le retour du loup et la possibilité d’une reproduction de ce dernier. Ils ont aussi annoncé que former un chien assigné à cette tâche sans qu’il ne représente la moindre nuisance pour les promeneurs ou autre, prenait deux ans. Autrement dit, si leurs voix avaient été écoutées, les chiens seraient aujourd’hui en fin de formation. Mais au lieu de cela, les pouvoirs politiques et les autorités locales ont fait la sourde oreille, qui va de pair avec la langue de bois… Aussi, confirmant le paradoxe de la servitude réciproque des influenceurs (esprits corrompus  par le pouvoir) et des influencés (travailleurs aux corps rompus), nombre d’éleveurs n’ont pas pris cela au sérieux. Conséquence prévisible : certains d’entre eux se sont procuré des chiens Patou sans le moindre dressage, qui ont bien entendu couru après les touristes et non les loups.

              

Résultat de la sourde oreille et de la langue de bois :


En 2025 c’est avéré, nous n’avons plus affaire à 2 ou 3 loups solitaires s’étant aventuré sur le plateau, mais à une meute qui depuis quelques mois s’attaque non seulement aux moutons et brebis, mais aussi à des veaux de « bonne taille » dont les carcasses totalement rongées démontrent une chasse organisée dans l’optique de nourrir la meute. Une meute ! Le grand méchant loup va de nouveau faire parler de lui en hantant les moutons de Panurge...Voilà de quoi perturber la cohabitation fragile entre les indomptables - disons les esprits conscients que les lois de la nature priment sur nos expériences humaines arbitraires - et les mentalités aliénées par l'image positive du progrès propre à la civilisation. Bref, de quoi perturber ce que nous pourrions appeler la Pax Romana... De quoi fragiliser les accords tacites, les lois arbitraires, sur lesquels repose son illégitime aura.

L'accord tacite ! Un terme qui nous ramène à l'expérience d'un "Ichthus" - disons d'un Christ, aux quel les pouvoirs de l'autorité publique ont fait dire nombre de choses qu'il n' a pourtant jamais prononcées. Un accord naturel, relatif, entier, décimal, imaginaire, rationnel et irrationnel à la fois (...) étaient possible entre la tradition orale, mère de nos sagesses païennes, et les connaissances que nous avons tirées de l'écriture alphabétique et de l'invention de ce Dieu sémantique qu'est le zéro mathématique ! Mais nous l'avons fourvoyé dans notre expérience du pouvoir politique qui a placé l'Homme (en pleine crise d'adolescence) au centre de notre univers ! Au cœur de ce paradoxe : la définition du libre arbitre humain et cette cohabitation naturelle et pourtant sacrifiée entre le loup et l'animal sociable qui sommeillent en nous.


Sociable, le loup n'épargne pas pour autant les faibles, mais au moins n'en fait il pas la culture, à des fins d'exploitation intensive.On ne peut en dire autant de l'Homme civilisé, qui camoufle ses cruelles appétences et prédations derrière l'aura d'une pseudo démocratie.


Synthèse :


Mettre au centre de cet article le déni du nombre et de l’élite envers les propositions concernant l’efficacité du maître-chien dans l’affaire du loup, nous permet de mieux comprendre les mécanismes caractéristiques de la banalité et de l’absurdité des maux qui rongent nos modèles de société ! Et du même coup, d’envisager une conciliation possible entre ces deux partis-pris aveugles que sont les pros loups et les antis loups ! Sans parler de résoudre enfin le problème du loup en utilisant les relations plurimillénaires que nous avons avec ce loup domestiqué qu’est le chien ! Ce qui démontrerait qu’il est possible de redonner sens à la notion d’obéissance, de consentement donc, en la débarrassant des intérêts particuliers qui l’ont éloigné des besoins communs ! L’Homme est lui-même un animal sauvage et social à la fois, domesticable donc… Mais pour éviter que le conditionnement humain, les émanations de ses industries - ou les pets de ces troupeaux - nuisent à l’écosystème, reste à établir un juste milieu entre la relative liberté de l’état sauvage et la relative liberté de l’état civilisé, dans un univers déterminé !

Ce qui nous ramène à un conflit de longue date engendré par l’absence d’une définition commune de la notion de libre arbitre. Un boulet sémantique qui n’encombre pas le loup !


CAB   

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