top of page

Le silence des agneaux et le bruit des opinions – Affaire Bétharram et autres scandales

christophealexisbi

Enfant prostré par la monstruausité du monde
Le silence des agneaux et le bruit des opinions – Affaire Bétharram et autres scandales

Prologue : l’abus de pouvoir, le consentement général et le sacrifice de l’agneau


Pédophilie, maltraitance, sévices organisés, crimes, délits et secrets d’initiés (…) les scandales se multiplient à tous les étages de la société - « Ah ça non, on ne touche pas aux enfants » s’indigne-t-on. Mais depuis quand ? Le progrès, le confort et le néolibéralisme ont-ils aboli la barbarie humaine ? Certes non diront les premiers de la classe, soit ! Ceci étant dit, quel investissement physique, moral et  intellectuel sommes-nous prêts à fournir pour que cela cesse ?


Envisage-t-on seulement de déconstruire le paradigme consumériste au nom duquel toute forme d’innocence est sacrifiée ? Ou assiste-on au viol sous la menace d’une économie criminelle dont la toute-puissance vous impose de rester à votre place en vous rappelant le contrat tacite que nous avons tous signé ? Entendons là l’innocence du domaine de l’inerte dont nous instrumentalisons les moindres particules, l’innocence du règne animal et végétal, et l’innocence de l’enfance que nous conditionnons à la consommation et au prix à payer pour la « mériter »…

Prend-on seulement le temps d’y réfléchir et de nous remettre en question ? Ou suivons-nous indolemment les consignes de l’organisation du travail et des loisirs ? Malgré l’indignation générale et la cacophonie des opinions, qui ne se contente pas de suivre aveuglément le circuit de l’effort et de la récompense ?

Témoignons-nous d’une quelconque volonté de nous éloigner de cette société de plaisirs chèrement payés, qui nous enseigne l’art de contourner les questions qui fâchent (la servitude volontaire par exemple) ? Cette société pourtant malade, qui nous recommande de ne jamais ouvrir les portes qui nous mèneraient aux frontières de la bonne conscience et de la honte.  

De tous les intérêts individuels et particuliers dont la culture intensive nous aliène et nuit aux besoins communs, auxquels dire adieu ? La belle bagnole, les fringues tendance ou le portable dernier cri ? Le home cinéma et le bouquet audiovisuel ? Qui résistera à la dernière tentation Apple ? La cool attitude pour seulement quelques dollars de plus… 

Dans ce contexte de soumission locale et globale, maîtres et esclaves sociaux ne partagent-ils pas une servitude réciproque ? L’indignation, la colère ou quelques têtes coupées suffiront-elles à solutionner l’équation posée par la factorisation du libre arbitre humain, des mouvements de masse et de l’exercice du pouvoir par une minorité d’individus ?


Je propose une dernière question : que vous soyez influenceur ou influencé, jusqu’où êtes-vous  prêt à aller pour briser les secrets de polichinelle et les accords tacites plurimillénaires qui dissimulent les particules de l’abus de pouvoir, le viol de l’innocence donc, sous le tapis démocratique d’une société de droit humain proclamé universel ?


La simplicité d’une indignation ne résoudra jamais le complexe que nous engendrons tous ! Et en l’absence de réponse à toutes ces questions, cette affaire - si révélatrice soit-elle de notre état de santé mental - n’est qu’une de ces sempiternelles volées de grains dans l’arène des opinions. Une de ces catharsis sans lendemain que nous consommons (en version fiction ou faits réels) au prix de la banalisation du mal qui ronge nos modèles de société ? Une nouvelle polémique  qui fera beaucoup  de bruit pour rien dirait un Shakespeare…



La haute fréquence des chocs médiatiques participe de l’aliénation collective : plus il y en a et plus ils se diversifient, moins nous avons le temps de traiter en profondeur les questions et les mécanismes qu’ils soulèvent.


Un espoir inattendu repose donc sur l’émersion de ce qui est immergé… Sous la surface, les polémiques qui nous agitent n’ont plus le bénéfice du nombre pour saturer nos esprits, sous la surface l’effet cathartique laisse le sensible partager sa place avec l’intelligible et l’opinion particulière est amenée à mesurer l’illégitimité de son trône… Sous la surface les équations se réduisent et nous ramènent inexorablement aux questions posées par l’exercice du pouvoir, par l’instrumentalisation du logos et par les mariages et divorces d’intérêt signés entre l’autorité politique et religieuse.


Notre Dame du beau rameau – Mais qu’a-t-on fait au Bon Dieu ?


L’affaire Betharram est un de ces scandales qui agitent l’opinion public et relance tous les procès de dupes, tous les conflits dialectiques fratricides, organisés autour de la question existentielle.

 

Lorsqu’il est consommé dans une institution religieuse, l’abus de pouvoir ravive les tensions entre croyants et athéistes. Les cons pelotés autour de l’autorité religieuse et les cons pelotés autour des valeurs de la laïcité. Le  jeu de mots ne me semble pas déplacé pour décrire l’ambiance générale d’un monde où toutes les idées sont bonnes et tous les coupables sont idéaux pour contourner une  dérangeante question qui  nous concerne tous : celle du consentement à toute forme d’autorité.

Le consentement est un contrat à long terme signé au nom d’une autorité arbitraire pour laquelle l’individu renonce à son propre libre arbitre, dans le cas d’un accord collectif consumériste, l’individu renonce au contrat primordial qui le liait à son environnement naturel. Ce consentement tacite implique l’emploi de son corps et de son esprit à des tâches définies, en d’autres termes sa sectorisation ainsi que l’aliénation et la dégénérescence qui en découlent bien souvent. Tel est le prix de la servitude volontaire, quel que soit le profit qu’on en tire et quel que soit le grand patron - le roi, l’Église, le ministère des affaires ordinaires, le grand Marché et sa main invisible…  La sophistication n’empêche pas la dépravation, la richesse pervertit autant que la pauvreté et le mal s’invite au temple autant qu’il se réjouit d’une société horizontale cultivant le  péché pour nourrir son Grand Capital. Notons que dans l’illusion libertaire produite par le modèle néolibéral, cette allégeance collective aboutit à une guerre larvée de tous contre tous : croyants contre laïcards, gauchistes contre droitistes, jeunes contre seniors, hommes contre femmes, cultures contre cultures…  Depuis l’Antiquité l’état de conflit permanent est une source de profit et un moteur industriel ; il a toujours été le fruit d’un échec dialectique et d’une hypocrisie humaine qui s’ignore ou se vit en silence. La nouveauté - l’évolution que l’on doit au « saint progrès » - c’est le fait que le conflit, la compétition et la compensation de notre incapacité à nous comprendre, nourrissent notre économie globale, à la façon d’un « Squid game » en « open world ». La grande prison comme la nomme les tolards les plus irréductibles.


Dans la grande prison, que celui qui n’a jamais abusé de son pouvoir, que celui qui n’a jamais fermé les yeux sur la souffrance animale, le massacre du règne végétal, le viol sous toutes ses formes et le sacrifice global de l’innocence (…) jette la première pierre.   


Évitant les surenchères médiatiques qui enflent autour de cette affaire, ce cours article propose de dénoncer l’hypocrisie dont nous faisons preuve en imaginant que les horreurs de ce monde font partie des dommages collatéraux inévitables de la colère divine envers la domination des incroyants, ou à l’inverse en instrumentalisant ces mêmes horreurs pour en finir définitivement avec Dieu et le principe du monothéisme. « La souffrance animale, les abus de pouvoir et autres viols commis par des représentants du divin, la souffrance des innocents et la victoire des salauds (…) tous les arguments sont bons pour prouver que Dieu n’existe pas ou est une véritable ordure.    

L'indignation envers l'horreur de la comédie humaine aura précipité nombre de penseurs contre l'écueil du « libre arbitre » - ce boulet énigmatique dont "Dieu nature" nous a « fait grâce ». L’entre-guillemets s’impose ici pour mesurer toute la relativité de ces concepts.


J'accuse l'abus de pouvoir en bonne société, j'accuse la bonne conscience des élus et des électeurs, je m'indigne devant l'aliénation collective de ce « Sapiens » qui imagine que la société est au service d'un quelconque intérêt commun au sens le plus large et universel du terme... Mais puis-je accuser « Dieu », qui n’est au fond qu’un concept, un rien et un tout à la fois, fini et infini, armé et désarmé, inatteignable par notre incomplétude (...) ?


Nous avons ici une piste de réflexion, une enquête publique que l'Homme ne semble pas vouloir faire aboutir :

Dieu tout-puissant tel que défini par les dogmes monothéistes est un paradoxe dont l'éclairage aiderait la religion à retrouver la place qui est la sienne dans un monde consumériste dont l’économie globale se nourrit de nos échecs et conflits dialectiques à la façon d’un Apollon maudissant Cassandre. La création ne peut être l'instrument d'un Dieu à notre image, capable d'influencer à sa guise la causalité qu'elle implique. Nous sommes donc en droit d’accuser toute autorité religieuse de ne pas clarifier les différents mensonges et les erreurs commises aux cours des siècles concernant l’interprétation et la traduction des Saintes-Écritures, elles-mêmes tirées de diverses traditions orales. Une clarification qui éviterait qu’une majorité de croyants appréhendent leurs Saintes-Écritures respectives au premier degré, incarnant une masse de quelques milliards d’adeptes  dont l’ignorance s’ignore.


Mais si déterminée, impitoyable et non intentionnelle soit-elle, au cours de ses milliards d’années d’expérience, la nature s’est pourvue d’organismes capables de ressentir, d’observer et d’interagir  dans un équilibre micro et macro cosmique que la créature humaine appelle « notre univers ». Un uni/vers qui nous entoure et nous constitue, au sein duquel la matière dite inerte et la matière dite vivante demeurent indissociables. À cet être humain, auquel la spéciation a retiré armure, griffes et crocs, a été offert un cerveau sophistiqué, capable de concevoir et de retranscrire le langage de « Dame nature » de façon intelligible, orale et scripturale - une grande marge de manœuvre et un grand pouvoir en matière de choix et de prospective ! Un grand pouvoir qui implique de grandes responsabilités dans un monde dont la religion comme la science soulignent la détermination. Armé de ces pouvoirs, l’Homme est capable d’engendrer le pire comme le meilleur. Dans le dernier cas, la nature n’a pour ainsi dire que nos innombrables yeux pour pleurer, bien que sa dimension causale, celle que nous nommons impitoyable et déterminée, nous fera payer le prix de nos actes sans le moindre parti-pris.


Les partis-pris reflètent l’ambiguïté de notre nature humaine, disons les nombreux intérêts particuliers que cultivons souvent au détriment des besoins communs les plus universels. Les partis-pris reflètent aussi notre incomplétude, ils sont donc arbitraires. Néanmoins, une fois actés et véhiculés, ils engendrent d’eux-mêmes des architectures et des mouvements de masse dont les obligations de résultat, pesant sur notre orgueil, notre amour propre et notre attachement à nos propres créations, nous imposent de les défendre tels des entités « too big to fail » qu’il s’agit de maintenir si erratiques soient-elles - Au détriment de toute idée commune de la vérité donc, au détriment de tout besoin commun. C’est ce paradoxe qui rend illégitime toute démocratie, toute république, toute construction collective, fondée sur la capitalisation des intérêts particuliers humains et gouvernée par des partis politiques, des partis-pris donc, soumis aux exigences d’une masse électorale détachée de l’intérêt commun au sens universel du terme.


L’obtention du consentement, au mépris de toute idée commune de la vérité concernant la nature qui nous entoure et nous constitue. Un cauchemar pour tout philosophe digne de ce nom, de Platon à Simone Weil.


Dans un tel contexte de conditionnement des masses plaçant l’Homme, ses intérêts particuliers, son esprit de compétition et les exigences de ses expériences au-delà de toute réalité terrestre, au-delà de toute philosophie, au-delà de toute pensée éthique ou compassionnelle, la démocratie et le suffrage universel ne sont que des illusions dont l’effritement périodique nous conduit toujours au grand retour du fascisme et de la dictature. Soft et Hard power, petit diable vert et petit diable rouge, les deux font la paire.


Les notions de consentement et de servitude réciproque méritent donc d’être revisitées et démystifiées sur la place publique ! Dans la grande prison consumériste, maitres et esclaves, influenceurs et influencés, producteurs et consommateurs (…) sont enchainés au même boulet, ce boulet qui fait de nous les cellules dégénérescentes, les complices ou les acteurs d’un État malade et criminel. La connaissance implique la responsabilité de l’être quittant l’innocence et se devant de la préserver du pouvoir qui est dorénavant le sien en tant qu’initié agissant en connaissance de causes et de conséquences. Mais en faisant fi des notions d’éthique, de dignité, d’équité et de durabilité au sens écologique du terme, elle engendre un savoir, un avoir, un vouloir, un pouvoir et un devoir au nom desquels il convient de sacrifier l’agneau sur l’autel de la croissance.

 

Le silence des agneaux et le bruit des opinions – Affaire Bétharram et autres scandales – Épilogue :


Sous la surface, les équations se réduisent et nous ramènent inexorablement aux questions posées par l’exercice du pouvoir, par l’instrumentalisation du logos et par les mariages et divorces d’intérêt signés entre l’autorité politique et religieuse…


Un espoir inattendu repose donc sur l’émersion de ce qui est immergé.


Notons qu’il serait aussi grand temps de  reconsidérer ensemble la valeur que nous attribuons à l’argent et le sens que nous donnons au mérite. Car tel que nous concevons les notions de travail et de récompense, nos créateurs de richesses sont aussi les plus puissants désenchanteurs et destructeurs du monde - et tous ont obtenu notre consentement par le truchement de l’accord tacite qui nous unit tous comme de braves compétiteurs qui se battent au nom de la société de consommation.


Avoir, savoir, vouloir et devoir concentrés en un unique anneau de pouvoir, un état global et son intelligence artificielle, pour nous gouverner tous.


CAB   

Comments


Recevez nos publications dès leur mise en ligne

J'ai tenu à ce que ce site d'information et d'enseignement demeure gratuit, il implique néanmoins un lourd travail quotidien et ne pourra perdurer que grâce à l'aide de ses lecteurs. Le "bouton d'or" du don participatif me semblait tellement plus gracieux que celui de l'abonnement payant !

PayPal ButtonPayPal Button
Logo de la marque CAB "prêt-à-porter qui donne matière à penser"

© 2023 par Christophe Alexis Billard. Créé avec Wix.com

bottom of page