Pour introduire notre article, nous vous proposons quelques citations qui nous sont venues lors de la dernière pluie, disons plutôt lors du dernier pet orageux de la sphère médiatique, à propos de l’argent :
Entre larmes et sourires satisfaits, beaucoup affirment que l’argent est roi. Mais nul ne peut nier que malgré sa paradoxale toute puissance, ce roi fait néant.
L’argent ne fait pas le bonheur mais il y contribue… Un bel adage qui prouve à quel point nous palabrons pour ne rien dire. Et une belle excuse pour la bonne conscience.
Ne soyons plus dupes : victime de son expérience du pouvoir, l’Homme peine à considérer l’argent comme le simple outil d’échange qu’il est pourtant. Et dans cet état de fait, si nous sommes honnêtes sur les comptes, l’argent tue plus d’êtres vivants qu’il n’en épanouit et corrompt plus d’esprits qu’il n’en rend heureux.
Dans le cerveau humain, l’argent provoque le circuit de la récompense. Dès lors qu’il devient le pourvoyeur indispensable et sacré de notre nourriture, il dénature le sens même de l’effort et du travail. Faisant de l’homme un simple animal domestique.
Gardons à l'esprit ces réflexions politiquement incorrectes et redescendons sur le plancher des vaches en société…
Sujet à la une : l’argent, une obsession expliquée par la science…
Qu’est-ce à dire ? What the fuck ? Que pense-t-on ordinairement, très ordinairement, de l’argent ?
« L’argent est vulgaire ? » … Non ! La réflexion est désuète, passée de mode. Une bonne inspiration pourtant, mais passons…
« L’argent corrompt, l’argent est maudit, l’argent est indispensable, l’argent est roi, l’argent ne fait pas le bonheur mais y contribue »… Voilà qui est plus représentatif !
Après deux siècles « lumineusement révolutionnaires » de ce genre de dérobades salées ou sucrées sur le sujet, voici la version scientifique, prouvée et en bonne et due forme, de la métaphore d’un Juda corrompu par ce simple « objet à double face » qu’est la pièce d’argent.
Extrait d’un article du Courrier international :
“Rien n’excite plus le cerveau que l’argent – même les corps nus ou les cadavres n’excitent pas les gens à ce point”, constate Brian Knutson, professeur de psychologie et de neurosciences.
Voilà qui est dit ! Et pas par une grenouille de bénitier.
La domestication et l’organisation du travail du nombre par le pouvoir chimique de la récompense…
Le fric est ce non être au nom duquel l’accord tacite est le paradis qui nous mène tous vers les enfers.
Une révélation se dissimule donc derrière le sujet à la une… Qui fera pourtant choc mou dans ce monde moderne où l’horreur côtoie le divertissement et l’art pour rythmer l’organisation du travail et des loisirs de masses humaines à l’échelle planétaire. « Qu’on ne nous torture plus avec ces allégories d’un autre temps, l’argent est roi et l’économie est reine, ainsi soit-il, ainsi va la vie en société ! »
Cette société n’étant pourtant qu’une entité morale arbitraire, une expérience, dont le contrôle échappe aux individus qu’elle était censée servir :
Un « mondialisamonstre » au nom duquel nous travaillons tous sous la contrainte consumériste, nos droits et nos devoirs nous excusant d’avoir cédé notre libre arbitre aux exigences d’un règne capitaliste absolu.
Un capital dont l’économie globale repose entièrement sur la culture de nos plus dangereuses faiblesses… Citons l’avarice, la gourmandise, la violence en milieu tempéré, l’acédie, la luxure, l’insatiabilité et le péché d’orgueil.
Un artificiel mais fertile terreau pour la banalisation du mal et la sacralisation de l’argent.
Quelle peine - s'indignerait un être encore doté d’un soupçon d’innocence ou d’honnêteté intellectuelle. Quelle pitié dirait le diable en personne, impuissant devant l'accession à un si haut degré de banalisation du mal et débordé par l’augmentation exponentielle de ses devoirs les plus ingrats !
Tant de contraintes physiques et morales pour un concept dont la valeur réelle n’est qu’utilitaire… Tant de guerres, tant de souffrance, tant d’obligations morbides et de déconnexion du réel, pour un bonheur artificiel qui ne nous remplit que par le vide.
Parlons donc du grisbi, du fric, du flouze, du pognon, du pèze, de la tune…
L'argent n'est pas une création de dame nature - disons une création des principes qui caractérisent un univers et ont permis l’équilibre durable abritant la vie sur terre. Bien au contraire il est une invention humaine - à la base un simple outil conçu pour vérifier l’équité de nos transactions - dont le pouvoir a si bien échappé à son créateur, que ce dernier a rompu en quelques siècles cet équilibre naturel ayant fait ses preuves depuis des milliards d’années.
L’argent n'est qu’un levier qui facilite nos échanges, mais il est aussi un objet à double tranchant capable d’augmenter exponentiellement notre pouvoir d'influencer les esprits et la matière.
La richesse est motrice de sérendipité et de puissance, mais n’est-ce pas nu, en l’absence de moyens ostentatoires ou dans l'adversité que l'on peut s'assurer que nos échanges sont vrais et que les esprits et la matière avec lesquels nous avons échangé ont accepté l'expérience en toute sincérité ?
L'argent satisfait autant le besoin que l’envie, mais il les stimule aussi, les conditionne et les dénature, de façon à ce que d’illusoires moyens deviennent à nos yeux des besoins. À ce propos, l’état de santé de notre monde consumériste prouve que l’Envie se paye cher lorsque les moyens qu’elle réclame pour être satisfaite, deviennent d’indispensables usurpateurs passant pour des besoins. Posséder un pouvoir d’achat aveugle sur le fruit du désir tel qu’il soit, est au final ce qui le corrompt le plus et lui fait perdre toute sa saveur. Un pouvoir STUPÉFIANT pour tous, au prix d’une compétition générale, au prix de l'insatiabilité et de l’aliénation du consommateur, au prix de la dégradation du consommable. C’est ainsi que les besoins les plus fondamentaux, les plus COMMUNS se désenchantent et s'effacent devant les obligations de résultat des moyens imposés par les intérêts PARTICULIERS.
L’Homme passe toujours par un abus de ses nouveaux objets et pouvoir avant de les maîtriser – diront les avocats non pas du diable, mais de la bonne conscience… En omettant de stipuler qu’un système d’exploitation de masse, conditionnant des individus ne se connaissant pas eux-mêmes, engendrera toujours plus de complexités nouvelles que ces derniers n’ont pu en résoudre.
Esprit, chair ou objet, tout s’achète. Le pouvoir d’achat est le levier qui nous dispense d’aimer et d’être aimé pour posséder tout ce que l’on désire.
Ce qui explique la solitude et l'enfer moral dans lesquels finissent nombres de Crésus, incapables de savoir si leurs prochains ou même leurs proches les aiment pour ce qu'ils sont ou pour le pouvoir dont ils disposent. Ce qui explique aussi la réaction des représentants de toutes les formes de puissance en déclin face à la force faible, face au Pardon et aux aveux : « Tous ont accepté la hiérarchisation du pouvoir dont nous sommes responsables, comment réagirait cette réelle puissance qu'est le nombre, si nous admettions devant tous, que nous, nos illustres prédécesseurs et nos homologues se sont tous trompés ? »
Dans ce scénario classique, ce qui est caché le demeure et on attend l'Apocalypse, celle des grenouilles de bénitier ou celle des malthusianistes, peu importe.
Nous y voilà… Qu’il soit un simple biface préhistorique, l’argent tout puissant ou l’objet tout précieux (une IA tenant dans la poche par exemple), l’anneau est intimement lié à l’orgueil humain avec lequel il interagit.
"Révélation" ferait donc grand bien, à ces bêtes de somme factorisées et divisées que nous sommes… En somme. Entendons par révélation, la sommation de cette « équation de Babel », qui nous échappe encore et toujours, que nous soyons les influenceurs ou les influencés d’une telle expérience. Une sommation est toujours un procès équitable du mal dont il s’agit de mettre l’obscurité en lumière : la simplification d’un problème ou d’une équation qui nous torture, la compréhension des processus d’une affection pour obtenir la guérison, ou l’autorité dont on dispose sur un suspect afin d’en stopper la fuite et de pouvoir l’appréhender pour interrogatoire. Dans le procès d’un Apollon, d’un Néron, d’un Hitler (...) ou du diable en personne, une Cassandre, un Sénèque, une Hannah Arendt ou un Jésus nous diraient – que ceux qui n’ont jamais péché - pour quelques privilèges ou dollars de plus - jettent les premières « Pi r ».
Voilà qui nous ramène à l’introduction de l’article :
« Ainsi va la vie en société, bénédiction ou malédiction l’argent est roi, qu’on ne nous torture plus avec ces métaphores d’un autre temps… » - Quelle peine, quelle pitié s’indigneraient l’innocence ou le diable en personne.
Ces histoires d’un autre temps nous apprennent pourtant une chose, à propos de l’innocence du diable et du diable de l’innocence… À propos de cet insoluble procès de dupes au nom duquel l’argent fait office de calamité ou de bénédiction. Malgré leur instrumentalisation par les autorités politiques et religieuses, ces métaphores désuètes n’ont jamais eu d’autre but que celui de nous convier à notre propre procès, par la manière douce et pour éviter que le cycle de la souffrance ne devienne une institution irrévocable enchaînant les gouvernants et les gouvernés dans une même prison consumériste à l’échelle planétaire. La manière douce, par ces allégories, consiste à inviter l’Homme à s’allonger sur le divan et à reconnaître en lui tous les protagonistes de ces contes et légendes inachevés…
La société est cette création arbitraire humaine, qui comme Dieu nous a déçus parce qu’elle ne sert ni le bien, ni les individus qu’elle était censée protéger du mal. Affublés du complexe du libre arbitre, nous ne sommes que de pauvres diables. Mais allongés sur le divan des alchimistes du langage auxquels nous devons nos œuvres et textes majeurs, nous pouvons tout dire et prendre le temps nécessaire pour le dire ou pour nous contredire…
Plus de boucs-émissaires lorsqu’on admet que le diable est en nous, en chacun de nous. Ce diable dont la légende nous indique qu’il est le plus talentueux des anges, confronté à sa propre déchéance… Et invité à se réconcilier avec les forces de la détermination en devenant juge des libres arbitres dont il est le digne représentant.
Ce diable torturé pour être à la fois maître et esclave, comme nous le sommes tous en nous-mêmes face à l’univers… Et les uns par rapport aux autres - Dirait un Jean Paul Sartre.
Ce diable qui souffre d’une même et profonde affection, qu’il soit en position de maître ou d’esclave : le déni de soi. Le soi victime des autres et bourreau de lui-même ou inversement bourreau des autres et pourtant victime de lui-même. Cet Ego prêt à tout pour se soulager du fardeau de la culpabilité d’un être qui détruit tout ce qu’il aime, fusse-t-il mû par le positivisme et la sérendipité ou par leurs inverses, la négation maladive et la zemblanité… L’Homme est un loup pour l’Homme dit-on.
Ce diable de sapiens, fusse-t-il riche ou pauvre, influenceur ou influencé, vainqueur ou vaincu (…) qui se déteste autant qu’il s’aime.
Ce diable d’orgueil qui devrait enfin trouver le Pardon avant que la bête qui s’ignore en lui ne soit plus en mesure de vivre avec ses semblables sans incarner les enfers sur terre.
CAB et HC Black’s
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