
Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde - Albert Camus.
La nomination est un grand pouvoir dont l'Homme ne semble pas mesurer la responsabilité proportionnelle qu'elle implique...
Commençons par le début : dans une fondation patriarcale c'est le masculin qui l'emporte, ainsi l'humain se réduit-il au caractère nominal de mon seigneur : l'Homme !
Dualité casse noisettes :
Les écritures issues de la découverte alphabétique, donc celles qui ont engendré la révolution sémantique du polythéisme vers le monothéisme, ont résolument affirmé ceci : Adam est le responsable de la nomination (dès la Genèse). En décodant les allégories, les symboles et les principes mathématiques dissimulés dans nos Saintes Écritures, il apparaît que nos ancêtres n'étaient pas dupes concernant l'épineuse question de la dualité ou les problèmes posés par les applications possibles du patriarcat et du matriarcat. La matrilinéarité du nom de l'enfant, dans le premier judaïsme, complèterait-elle toutes les allusions féministes des textes, ainsi que les longues descriptions de la généalogie de la guerre pour le dieu des armées, mettant en scène la transmission de la domination violente de l'homme ? Une généalogie et une hiérarchisation de l'entité sociale sauvée par Noé, mais portant toujours la marque de Caïn. Autrement dit, la marque d'un enfant terrible ayant hérité du poids de la "pomme de discorde et de l'accord tacite" cultivés par Adam et Eve au détriment de leur innocence. La pomme de connaissance donc, la responsabilité qu'elle implique et donc le "boulet du libre arbitre". Toutes cultures confondues, nombre de nos textes de référence dissimilent cette épineuse et bien souvent sanglante question de la rose et de son nom. Force est de constater que nos anciens tentaient déjà d'appréhender le rôle des genres issus de cette dualité féminin/masculin, dans l'architecture naturelle du monde, dans l'architecture sociale propre à l'humain et dans l'architecture des langues véhiculaires en construction.
Utilisons une idée reçue prélevée du jargon des dragons du Levant pour donner un exemple d’ambiguïté sémantique : Le Yin crée le "TOUT" relatif à partir d'une graine pourtant déterminée. Celle du Yang qui gravite, s'excite, féconde, sépare... Et court chercher les éléments associables au nid... Le yang est ciel, activité, puissance faible et semence... Le yin est terre, inertie, force forte et fécondité.
La science de son côté ne prend pas le risque d'intégrer une quelconque philosophie ou métaphysique à ces constats concernant la matière inerte, vivante et pensante. Elle ne néglige cependant pas le principe d'immanence, qui ouvre un champ sémantique et un murmure cantique, à qui veut bien "l'entendre" de façon quantique. Que nous dit-elle à propos du pouvoir de détermination masculin en matière de sexe ? En biologie, nous avons découvert que c'est la physiologie et l'alimentation de l'homme qui détermine le sexe de l'enfant. Une piste ? Non, c'est l'alimentation de Monsieur qui conditionne ce phénomène "... Et ce n'est pas parce que Marie fait tout qu'il ne faut rien faire ! Quant à la piste épigénétique, elle semble nous indiquer : "tu es ce que tu manges". Voilà qui n'est pas sans rappeler :" fait attention à la façon de consommer et de cultiver les fruits de la connaissance, car tu es l'information que tu ingurgites et que tu transmets".
Adam/Ève est-il le seul et unique modèle ?
Apparemment non ! La théorie affirmant que la sexualité et la reproduction n'ont pas d'autre modèle, que la dualité est dépassée depuis que nous avons identifié dans certains champignons un nombre de sexes très élevé (plus de 20 000), permettant d'augmenter la population en offrant un nombre de sexes compatibles plus élevé que la répartition entre seulement deux sexes. Ce qui offre à ce champignon le choix entre plus de 20 000 genres de partenaires compatibles, au lieu d'un seul. Éphémère et servant autant à la communication qu'à la nutrition du tissu végétal terrestre convoité par toute autre créature, il semble logique que les champignons se dotent d'un système de reproduction invasif. Inversement, la durée de vie, l'appétit des "grands animaux" et le pouvoir d'expansion de l'humain, ainsi que les soins que ces créatures sophistiquées apportent à l'éducation de leur progéniture, impliquent une sexualité plus modérée. Ici la dualité devient un facteur utilitaire. Qui chez l'humain semble nous éviter une orgie permanente et de nombreux problèmes d'adultère qui feraient sombrer de nouveau un Noé dans l'ivresse et le vertige des sens de la détermination sexuelle antédiluvienne.
Le ton est léger, néanmoins, nous sommes là face à ce qui est peut-être la source de tous nos cauchemars. Pour une raison si simple que nous ne la voyons plus : la dualité est pour nous un complexe conflictuel que nous ne concevons plus tel que ce qu'il est, c'est-à-dire le premier principe de séparation qui permet de sortir du néant et d'appréhender de façon perceptible, sensible ou intelligible, la potentialité d'un monde physique et sa manifestation. Ce qui est ne peut l'être sans un inverse ou un opposé : citons émanation et absorption, attraction et répulsion, haut et bas, vide et plein, homogène et hétérogène, chaud et froid, sec et humide, devant et derrière, passé et futur, etc. L'individualité du vivant ne pourra nier que l'un ne peut se reconnaître que par rapport à l'autre. L'autre est "le milieu" dans le ressenti d'un enfant dont la conscience de lui-même s'éveille (in utero), avant que la musique perçue ne prenne sens (après la naissance), s'associe à des images et que nous puissions distinguer les autres entre eux et les autres de soi. La dualité n'exclut pas un court-circuit entre bornes positives et bornes négatives, elle est aussi un effort d'équilibre dans le déséquilibre et elle implique la temporalité et donc la mort, pour qu'éternité fasse sens. Mais elle est aussi complémentarité et la nécessité de dépasser l'enclave du soi pour découvrir l'autre, en d'autres termes, la maîtrise de la relativité et l'effort dialectique qui permet de s'adapter à l'autre et au milieu.
Non, la dualité à nos yeux n'est plus le couple originel, le moteur donc, ou la condition d'un quelconque potentiel. Elle n'est pas non plus le départ d'un jeu de découverte stimulant et sensuel, ni la base de la dialectique ! La dualité c'est le gars et la fille, le bien et le mal, le divin ou la mort définitive... Et surtout, l'opposition, l'ironie de notre pouvoir, le malheur qui s'oppose à notre bonheur, la finitude qui gâche l'existence, les innocents et les coupables et la fatalité de la guerre. Le dualisme donc, ou l'anti-dualité radicale proportionnelle. Citons par humour certains nihilistes contemporains ayant prêté des interprétations erronées à la pensée de Nietzsche. Or, associant "bêtement" bien ou mal à des notions comme lumière et ténèbres, positif et négatif, inférieur ou supérieur, dominant et dominé (...) ou mâle et femelle, nous galvaudons totalement la réalité logique, disons mathématique, concernant l'unité, la dualité et la relativité sans lesquelles rien ne serait possible, si ce n'est le néant.
De ce fait, chacun s'affirme au détriment de l'autre, cherchant en vain tout et n'importe quoi, alors que tout est là. Et que ce rien inatteignable qui nous sépare les uns des autres comme une matière noire, contient ce Tout qui nous échappe de façon ma foi très érotique.
Considérons de nouveau cette "sacro sainte dualité sexuée mâle/femelle, que la découverte des champignons aux nombreux sexes vient de pulvériser pour la remplacer par un simple ratio utilitaire : bien que la science ait déjà démontré que les caractères féminins et masculins sont présents dans chacun des deux sexes, nous persistons à assimiler à notre nomination distinctive homme/femme, un caractère absolu, plus culturel que rationnel. Irrationnelle, tout comme la guerre des sexes instrumentalisée au point de devenir la guerre des genres au point zéro. En oubliant les avertissements de nos ancêtres à propos de la distinction des deux sexes et du caractère corruptible de l'Ego armé de la connaissance et soumis à la tentation.
Ève absolument femme comme origine du péché, est une première façon de mal nommer les choses et d'ajouter au malheur de ce monde. Tout comme "le masculin qui l'emporte", sorti de son contexte d'homogénéité et de commodité scripturale.
Dans notre réalité, dans son enveloppe et sa personnalité "au féminin qui l'emporte", Ève s'adapte ou subit la force de détermination de l'environnement ET celle de l'homme. Elle est donc la première à ressentir "doublement" le poids de la détermination, surtout lorsque chez son partenaire dominant, elle est erratique ou/et mensongère. Un abus de pouvoir dans ce cas. Un viol. Par abus d'autorité physique ou morale. Revenons aux origines de la guerre du feu et du vagin : s'il y a bien un art qu'Ève 2.0 doit maîtriser pour s'adapter à la force physique, aux cris et au silence d'Adam, c'est bien celui de la plus forte magie qui soit : celle du langage. Depuis ce fruit de la connaissance consommé, l'abus de pouvoir n'a plus de sexe. De ce viol de l'humain sur l'humain naît une entité sociale dans laquelle hommes et femmes doivent mettre de plus en plus de paille pour compenser leurs souffrances et frustrations réciproques. C'est le point de départ du domaine de la lutte et de l'instrumentalisation sophistiquée du logos. Et de tels parents dans une telle maison ne peuvent qu'engendrer des enfants que cette compétition aliène et pousse à la bohème ou au sédentarisme intensif, voués à s'affronter. Un esprit de compétition, une volonté de se voir DÉPARTAGÉS par l'autorité parentale ou divine, qui pousse au crime fratricide. Une telle nation doit croître pour la voracité de ses moyens et la compensation de ses efforts... Vous avez dit consumérisme ? Et lorsqu'elle atteint les frontières d'une autre ayant le même complexe (2 x tour de Babel) irrésolu, les deux titans s'affrontent pour le terrain de chasse, la carte et le territoire. L'aliénation devient totale et le crime se perfectionne au fur et à mesure que le mobile originel tombe dans les OUBLIETTES. "Oubliette!" un sortilège épouvantable auquel nul ne devrait être tenu...
Nous devrions tous œuvrer pour que ce diable d'Orgueil mérite enfin que la rose lui révèle son nom. NOM qui n'est pas le Nouvel Ordre Mondial tel que nous l'avons conçu, faut-il le préciser ?
Nom de nom dirait ma grand-mère...
CAB et H.C Black's

"Nous devons être disposés à renoncer à la vie que nous avons imaginée afin de vivre celle qui nous attend." J. Campbell