Souhaiter de bons vœux est une chose, les inscrire dans le réel dans un monde au bord de la ruine en est une autre. Il semble que nos vœux d’amour gagneraient en consistance en osant prononcer le nom de "vous savez qui/vous savez quoi", qui nous lie tous par les armes, les outils et les flammes de leur industrie.
Je me lance :
Mes meilleurs vœux de bonheur, Joyeux Noël et bonne fin d’année l’Orgueil ! Pardonnons-nous.
Et si nous parlions de la guerre ? De l’enfer en soi et de l’enfer que sont l’autre et son pluriel… De cette prison gravitationnelle d’origine pourtant abstraite et arbitraire, sous l’emprise de laquelle maitre et esclave demeurent prisonniers d’une servitude réciproque… De cette cage illusoire dans laquelle ils consentent à toute forme d’aliénation et d’usure, dans un effort compétitif permanent, victimes des autres et bourreaux d’eux-mêmes.
Pourrions-nous commencer par une courte proposition ? Les citations conviennent bien aux circonstances solennelles et elles font réfléchir dit-on… Je te propose donc de nous réfléchir :
La guerre est l’extension des conflits puérils des temps de l’innocence, légiférée par des adolescents armés jusqu’aux dents qui prennent leur expérience de la Grandeur très au sérieux.
"Adolescence ?"
Oui, cette adolescence qui se compte en jours d’années et porte un héritage qui s’alourdit au fil des Âges.
Une adolescence consumériste dont l’individu peine à s’extirper, conditionné par obligation de résultat à connaître les règles de la compétition mieux qu’il se connaît lui-même.
…
Le dialogue est lancé, qu’il puisse vous inspirer si devant vos hôtes, vous êtes à court de vœux ou de prières consistantes pour honorer la table.
Je vous souhaite bonne réflexion et une merveilleuse quête de fin d’année
…2023…
Après les bons vœux et l’ouverture de la cuisine à penser, un discours plus développé ne serait pas superflu en de pareilles circonstances… "Ok" – devra-t-on dire à l’adolescence, "c’est l’heure des cadeaux et la dinde va refroidir… Mais rappelez-vous qu’en ce moment même certains ne mangent que du plomb". Parlons donc de "la grande cuisine du diable", de ses ingrédients de base, de ses recettes et de ses règles strictes :
Dans le domaine de l’inerte, le conflit n’est qu’un principe de base relatif aux mouvements de la matière ainsi qu’aux langages, logs et logos qui permettent d’en partager la définition, la mesure ou la compréhension. Le conflit, l’opposition, la tension, le point de masse (…) ne sont que le résultat d’interactions entre ce qui tend vers l’absence (le vide) et la présence (la matière) : un ordre dans le chaos, dont la première base intelligible semble le zéro, l’unité, la dualité et la triangularité. Triangularité en tant que première expression de la relativité : 3 points en mouvement dans l’espace et donc un segment, un milieu, un triangle, une pyramide, un cercle, une sphère (...) et un premier repère qui suffit à expliquer tout un univers perceptible à partir de presque rien et de quelques bases intelligibles. La valeur 3 est un premier socle sémantique, arithmétique, géométrique et musicologique qui nous permet d’appréhender la question de notre existence en tant qu’unité représentative réfléchissante, observant l’univers qui la compose et l’abrite. Citons le macro et le micro dont l’ego est le centre qui observe le dehors et le dedans, citons devant et derrière, haut et bas, droite et gauche ou passé et futur… Et n’oublions pas les signes ou les genres qui caractérisent les relations des particules chargées… Ces signes et ces genres dont l’instrumentalisation politique détermine la chute d’Adam et Eve (disons la malédiction de Roméo, Juliette et Mercutio pour les réfractaires au symbolisme judéo-chrétien) au nom de la guerre perpétuelle et des conflits d’intérêts. La fin de l’âge d’or et de l’innocence ! En d’autres termes l’adolescence douloureuse du libre arbitre humain confronté à la détermination du monde et au poids de sa propre expérience en matière de pouvoir et de capacité à influencer la matière et les esprits.
Le conflit est donc un fondement de la création et de la vie que cette dernière abrite, un fondement du langage, un fondement de la dialectique. Et n’en déplaise à notre hypocrisie généralisée, son caractère inéluctable n’est synonyme de souffrance que lorsque l’homme n’assume ni les enseignements de l’échec, ni les conséquences de ses victoires mal acquises.
Avant la perte de l’innocence et le conditionnement sous l’emprise de l’expérience, le conflit et la douleur qui résulte de sa mauvaise gestion font office de professeur enseignant la façon d’assumer l’être, l’avoir, le savoir, sans contrarier le devoir, autrement dit sans que le pouvoir et la liberté relative qu’il procure à l’individu se développent au détriment de celui d’autrui. Autrui c’est l’autre au sens large, l’autre en tant que semblable humain, en tant qu’animal ou végétal, en tant que matière inerte connue sur laquelle nous exerçons notre influence. Autrui, c’est aussi l’inconnu, ce diable d’inconnu qui nous cache encore le secret de cette jungle cosmique dans laquelle nous faisons beaucoup de bruit pour rien !
Le conflit devient la guerre, lorsque l’Homme investit son intelligence non pour solutionner l’obstacle (problème) et la raison du conflit, mais pour se donner les moyens de la victoire. La guerre des sexes, la guerre des classes, la guerre des genres en tout genre, la guerre des nations, la guerre des empires… La guerre des boutons.
OR (un bien joli terme dans un mécanisme si sordide), ces "indispensables" moyens d’imposer la victoire se transmettent inéluctablement aux successeurs des gagnants comme à ceux des perdants. La guerre peut ainsi se nourrir d’elle-même en tant que vecteur du progrès des intérêts particuliers pour lesquels nous nous aliénons au travail en fourvoyant le sens même de l’effort, en termes de besoin collectif, de besoin universel, de principal donc et non d’intérêt.
Tout comme les entités sociales dont elle est l’indispensable moteur de croissance (la cité, l’état, la nation, l’empire…), la guerre est un phénomène qui échappe inexorablement à l’individu qu’elle était censée servir. Légiférée par l’Homme, elle est un héritage pervers impliquant la compétition économique, le consumérisme et une paix tacite par la dissuasion et la compensation illusoire, notamment matérielle, du poids de notre incapacité à vivre ensemble.
Dans la terminologie biblique,la guerre est la marque de Caïn dont la lignée, disons le modèle de civilisation, s’éteindra dans une déchéance proportionnelle à l’illégitimité d’une croissance fondée sur le droit de tuer et de cultiver le vivant de façon intensive.
Comment pardonner à ceux qui profitent impunément de la guerre ?
Comment pardonner aux signataires de ces infâmes accords qui depuis la Première Guerre Mondiale ont programmé le funeste destin de la terre de Judée et de ses habitants ?
Comment pardonner nos histoires d’O à Hiroshima, Little Boy ?
Comment pardonner aux joyeux opportunistes qui ont aujourd’hui le sang de l’Ukraine sur les mains, après l’avoir invitée durant ces dernières décennies à se faire aussi grosse que le bœuf ?
Comment pardonner aux décideurs qui la préparent au carnage au nom de la paix ? Aux ouvriers qui ne doutent de l’entreprise que lorsqu’elle ne paye plus ? Et aux soldats qui achèvent le boulot ?
Comment briser le sortilège qui enchaîne mages et moldus, maitres et esclaves, influenceurs et influencés (…) dans la même boucle infernale ?
Je conclurais sur ces quelques questions, qui portent en elles un début et une fin de réponse…
Déconstruire et réparer
CAB
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